Impact de la longévité des truies sur la rentabilité

La conception d’une maternité commerciale exige des investissements importants. Or, de tous ces investissements, la truie hybride est un des plus importants, tant par le fait qu’il s’agit du principal actif productif, que par les sommes impliquées. Ainsi, dans le modèle «Porcelets» de l’Assurance stabilisation du revenu agricole (ASRA), l’achat des animaux de reproduction représentait entre 12% et 14% du revenu total stabilisé.

Naturellement, l’envoi des truies à l’abattoir permet d’obtenir un revenu qui vient réduire les frais reliés au poste de dépenses «Achat des animaux de reproduction». Toutefois, le prix des truies F1 est toujours en progression et dépasse 300 $ pour une cochette de 110 kg. Au contraire, la valeur de la truie de réforme est liée au marché du porc et varie énormément ce qui peut se traduire par une baisse des revenus pour les truies réformées. C’est donc dire que les producteurs investissent plus aujourd’hui pour un animal, alors que la valeur résiduelle de celui-ci a tendance à couvrir une part de plus en plus restreinte de son coût d’achat. Ainsi, pour l’année ASRA 1999-2000, un producteur devait aller chercher plus de 80 $ sur le marché pour combler la différence entre le prix d’achat d’une cochette (environ 250$) et l’argent obtenu à la réforme (moins de 170$) (Michel Morin, 2005).

Le défi de rentabiliser ses truies pour un producteur est donc encore plus grand aujourd’hui et il faut s’assurer que l’animal produira suffisamment de porcelets dans sa vie pour être rentable.

Deux caractéristiques propres à la truie seront donc déterminantes pour arriver à la rentabiliser pendant sa présence au sein du troupeau :

  • le nombre de porcelets produits par portée;
  • la longévité de la truie.

Une étude faite par le CDPQ, en 2005,  portait sur la seconde caractéristique, la longévité, qui se définissait dans le cadre de l’étude comme le nombre de portées produites par une truie avant d’être réformée.

L’objectif principal de l’étude était d’estimer l’impact de la longévité des truies sur la rentabilité d’une maternité commerciale au Québec.

  1. LA LONGÉVITÉ DES TRUIES AU QUÉBEC

Afin de mieux cerner la problématique de la longévité au Québec, un portrait de la réforme des truies a été fait à l’aide de données provenant d’une centaine d’entreprises porcines du Québec possédant une maternité. 

Le taux de réforme au Québec 

Un des premiers éléments à considérer pour évaluer la longévité des truies est le taux de réforme, car la politique de réforme a un impact sur le temps qu’une truie passera dans un troupeau.

Ainsi, une augmentation du taux de réforme implique un plus grand roulement de truies à l’intérieur d’un troupeau et, par le fait même, une opportunité moins grande pour la truie d’être suffisamment productive pour permettre un retour sur l’investissement que représente le coût de remplacement de la truie. De plus, un taux de réforme élevé va nécessiter un bassin de cochettes plus important pour le remplacement. Plusieurs coûts viennent également s’ajouter aux problèmes techniques. En effet, le producteur devra non seulement considérer le coût d’acquisition de la nouvelle truie (et du coût d’opportunité du remplacement des truies) mais également les coûts d’acclimatation et de développement des nouvelles truies. Il y a également un risque de maladie plus élevé associé à un taux de remplacement élevé dans le troupeau.

Pour le groupe étudié, le taux de réforme moyen annuel variait de 45 à 49 %ce qui est comparable à ce que des études antérieures avaient enregistré (D’Allaire et al., 1987 ou Lucia et al., 2000). Il faut, par contre, souligner que, pour une même année, le taux de réforme des différentes entreprises était variable et pouvait aller de 30% à plus de 80%. De plus, certaines entreprises enregistraient de fortes variations de leur taux de réforme entre les différentes années. D’autres entreprises ont par contre affiché des taux de réforme stables pour toutes les années étudiées.

La parité moyenne à la réforme

Au Québec, la parité moyenne à la réforme s’est élevée à 4,7 portées pour l’ensemble des truies étudiées. Celle-ci est comparable à la moyenne enregistrée par les producteurs canadiens utilisant Pigchamp entre 2000 à 2003, qui était de 4,7 portées, et supérieure à la moyenne enregistrée aux États-Unis pour les producteurs utilisant Pigchamp, qui était de 3,7 portées pendant cette même période.

Sur l’ensemble des animaux étudiés, près du quart des truies réformées n’aura produit au maximum qu’une seule portée, ce qui laisse peu de temps pour rentabiliser les coûts d’achat et de développement des truies. Cela signifie également qu’il faut acheter un nombre plus élevé de cochettes pour s’assurer un nombre suffisant d’animaux pour faire le remplacement, sous peine de devoir conserver des truies plus âgées que l’on aurait autrement réformées (par exemple, en raison d’une baisse de productivité). De plus, la productivité du troupeau serait influencée négativement par un taux de réforme élevé des plus jeunes truies, qui n’ont pas encore eu la chance de se rendre à leur parité optimale de production.

À partir de la deuxième portée et jusqu’à la huitième, les truies réformées par portée représentent entre 8 et 9 % du total des réformes. C’est donc sensiblement le même nombre d’animaux qui sont réformés à chacune de ces parités.

Les causes de réforme

En général, et quelque soit l’année, les réformes pour causes de problèmes de reproduction ou pour mauvaise productivité comptent respectivement pour environ 21% et 27% des réformes totales. Les problèmes de santé (mortalité, maladie du système respiratoire, etc.) ont compté pour environ 20% des réformes, alors que les problèmes de membres représentent 8% des causes de réforme. La catégorie «Autres raisons» regroupe 24% des causes de réforme. Près de 75% des problèmes de reproduction sont liés aux retours en chaleur, alors que l’absence de chaleur constitue le deuxième problème en importance. Les problèmes reproducteurs touchent toutes les parités, mais ont surtout affecté les jeunes truies; environ 35% des truies nullipares et les truies réformées à la première parité l’ont été pour cette raison. Un élément important provenant des données des partenaires du projet est la courbe de productivité qui sera utilisée pour déterminer le nombre de porcelets produits à chaque portée. En effet, il est important de tenir compte de la variation de la productivité d’une truie au cours de son existence car cela aura un impact direct sur les coûts reliés à une portée (alimentation des porcelets), mais également sur les revenus générés par une portée en particulier. La courbe de productivité est celle des truies ayant mis bas en 2003 dans les entreprises étudiées.

Coûts retenus 

Trois grandes catégories de coûts ont été retenus, soit les coûts d’alimentation, les coûts reliés aux cochettes de remplacement et les autres coûts. Tous ces coûts sont estimés soit en fonction d’une portée (alimentation et autres coûts), soit en fonction d’une truie en production, pour pouvoir ensuite évaluer le nombre de portées qu’une truie doit produire pour être rentable.

Il est important de différencier les coûts d’alimentation de tous les autres coûts, en raison de l’importance de ce poste de dépenses. Une entreprise aura ainsi des dépenses pour la moulée « porcelet » (pouponnière) et pour la moulée des truies. Les quantités de moulée « porcelet »,dont les prix à la tonne sont élevés, varient en fonction du nombre de porcelets produits. Deux types de moulée sont nécessaires pour les truies, soit la moulée de gestation et la moulée de lactation. Bien que moins chère que la moulée pour porcelet, la moulée des truies représente quand même des coûts importants en raison de la quantité de nourriture consommée.

Un deuxième poste important à considérer est le coût de remplacement d’une truie. Ce poste inclut naturellement le coût d’achat (incluant le transport, les vaccins, etc.) pour une cochette de 110 kg (estimé à près de 350$), mais également les coûts de développement de l’animal.

Ces coûts de développement sont essentiellement les coûts de moulées utilisées pendant la quarantaine et l’acclimatation. Ils sont estimés à 38$/animal. Il est important de souligner que ces coûts de développement sont par la suite majorés pour répartir les coûts de développement des cochettes réformées avant leur première portée sur l’ensemble des cochettes qui entrent en production. Cela permet donc d’estimer les coûts d’achat et de développement pour une truie. Même si les cochettes réformées avant leur entrée en production sont garanties et remplacées, les coûts de développement sont supportés par le producteur et il faut en tenir compte.

Les autres coûts ont été tirés du modèle de coût de production de l’ASRA pour le porcelet, selon l’étude du CDPQ. Ils ont été par la suite estimés en fonction d’une portée produite annuellement selon le modèle. Ces coûts incluent entre autres les frais d’intérêt, les frais vétérinaires, les coûts de gestion des lisiers, de chauffage et d’entretien. Tous ces coûts sont par la suite calculés en fonction d’une portée produite et représentent environ 172$ par portée produite.

Revenus

Les revenus peuvent provenir de trois différentes sources dans une entreprise spécialisée dans la production de porcelets. La première et la plus importante est naturellement la vente de porcelets. Avec la variation de la productivité entre les portées, les revenus par portée vont varier selon la parité.

La deuxième source de revenus est la vente de truies de réforme. Il a été question de l’augmentation du prix des cochettes qui augmente sans cesse depuis quelques années. Le prix des truies de réforme, pour sa part, a varié dans les dernières années, obligeant les producteurs à garder leurs truies plus longtemps pour pouvoir espérer rentabiliser l’achat d’une cochette. Les revenus de vente des truies de réforme sont pondérés à la baisse pour tenir compte de la mortalité chez les truies: donc un certain pourcentage des animaux n’est jamais envoyé à l’abattoir et ne génère pas de revenus.

La dernière source est l’ASRA. Il devient de plus en plus faible d’années en années suite au retrait progressif du gouvernement dans ces programmes.

  1. IMPACT FINANCIER DE LA LONGÉVITÉ 

À l’aide des données de base, les profits à vie générés par une truie ont été estimés pour les dix premières portées de l’animal. Dans le contexte de l’étude, le profit représente l’argent qui reste au producteur pour se payer un salaire et rémunérer ses capitaux propres.

Pour l’entreprise simulée, ce n’est qu’à la troisième portée qu’une truie permet de dégager un profit pour rémunérer le travail de l’exploitant. Si elle est réformée après sa troisième portée, elle aura généré un profit de 119$ au cours de sa vie. Réformer après la quatrième parité permet d’obtenir un profit de 250$, plus du double de la troisième. Pour les entreprises observées dans le portrait de la réforme, le nombre moyen de parités atteint à la réforme était de 4,9 portées en 2003. Si on pose comme hypothèse que ces entreprises (ou que la majorité des entreprises au Québec) ont une structure de coûts et de revenus similaires au modèle, chaque truie qui entre en production au Québec va rapporter près de 372$ de profit brut dans sa vie.

Chaque portée supplémentaire que donne une truie vient augmenter le profit à vie qu’elle génère. Ceci est vrai pour l’ensemble des parités étudiées. Toutefois, même si le profit total augmente, le profit moyen (profit total/nombre de portées) plafonne entre la septième et la neuvième portée, avant de repartir en baisse à la dixième. Surtout, le profit marginal, soit la hausse de profit liée à la portée supplémentaire produite, est très élevée pour les premières portées, mais diminue rapidement par la suite. Comme le profit inclut ici la rémunération du travail, c’est donc dire que, à charge de travail égale, la rémunération du travail est moins élevée pour une truie qui passe de la parité 8 à 9 (76 $) que pour une truie qui passe de la parité 2 à 3 (137 $).

Il devient important de noter les critères de réformes lorsque la truie atteint 6 portées. Selon les performances de la ferme, il faudra décrire les performances minimales de la prochaine portée. Elle ne devra pas avoir de retour en chaleur. La truie devra produire que la moyenne du troupeau au niveau des nés vivants et des sevrés par portée.

Analyse de sensibilité

Une analyse de sensibilité a également été faite pour déterminer l’impact de la variation de certains facteurs sur l’atteinte du point mort à la troisième portée. Différents facteurs ont été étudiés :

  • Nombre de porcelets vendus
  • Prix des porcelets
  • Coût d’alimentation
  • Prix d’achat des cochettes

Pour le nombre de porcelets vendus, le seuil de rentabilité est atteint à la deuxième portée lorsque la prolificité augmente de 0,5 porcelet né-vivant/portée (pour un taux de mortalité stable). Par contre, une baisse de 1,25 porcelet fait passer le seuil de rentabilité à quatre portées. Donc, une variation de 4 à 9 % de la prolificité modifie le nombre de portées nécessaires dans le modèle pour faire du profit.

La situation est similaire pour le prix du porcelet. Des variations du prix de 2 $ et 6 $ par porcelet (soit de 4 à 12%) font respectivement passer le seuil de rentabilité à deux ou à quatre portées.

Pour l’alimentation, les coûts doivent diminuer de 5 % pour faire passer le nombre de portées à 2, et doivent augmenter de 20% pour le faire passer à 4 portées.

Le prix d’achat des cochettes avait été fixé à 350$ dans le cadre de l’étude (coût d’achat, vaccins,transport, etc.). Pour que la truie atteigne le seuil de rentabilité à la deuxième portée, il est nécessaire de faire baisser le coût d’achat de plus de 20$, soit environ 6 % de baisse. Il faut par contre que le prix augmente de plus de 120$ (près de 35%) pour que le seuil de rentabilité grimpe à la quatrième portée.

Dans le modèle, le nombre de portées pour atteindre la rentabilité apparaît être plus sensible aux variations de prolificité et de prix de porcelets qu’aux coûts d’alimentation et surtout  qu’au prix des cochettes. Des résultats similaires avaient été observés aux États-Unis (Stadler, 2002). Un producteur aurait donc plus avantage à travailler sur la prolificité pour améliorer sa rentabilité ou sur ses coûts d’alimentation que sur le prix de ses cochettes.

CONCLUSION

Le portrait de la réforme au Québec pour les années 1999 à 2003 montre que les causes de réforme varient selon le nombre de parités atteint à la réforme. Surtout, la distribution des truies réformées en fonction du nombre de parités atteint peut varier entre les entreprises et les animaux ayant atteint les parités 0 et 1 peuvent constituer une part importante des truies réformées. Or, si une parité moyenne à la réforme de 3 permet de faire du profit et de rémunérer le travail de l’exploitant, la distribution des truies réformées en fonction du nombre de parités atteint va affecter le montant réellement obtenu. Travailler pour réduire le nombre de truies réformées aux parités 0 et 1 a un impact plus important sur le profit que pour les parités plus élevées. De plus, le seuil de rentabilité apparaît plus sensible aux améliorations de prolificité et à la réduction des coûts d’alimentation qu’au prix des animaux de remplacement.

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